La grande barrière de corail, que nous vous présentions comme l’une des plus belles merveilles que nous ayons eu la chance d’observer, ainsi que l’avenir de la forêt tempérée de Tasmanie, vont être au cœur des débats de la réunion du patrimoine mondial de l’UNESCO qui se tient en ce moment à Doha.
Face à un stress sans cesse renouvelé, lié à des politiques et comportements désastreux, l’UNESCO menace aujourd’hui un déclassement de ces sites, leur retirant le label de « patrimoine de l’humanité » pour les classer sur la liste du patrimoine en danger.
La barrière de corail en quelques chiffres
Inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 1981, la grande barrière de corail (wiki) s’étend sur 345 000 km2 le long de la côte orientale. Elle constitue le plus grand récif corallien du monde avec plus de 3 000 « systèmes » récifaux et de centaines d’îles tropicales. Considérée comme la plus grande structure vivante sur Terre, elle abrite le dixième des écosystèmes coralliens de la planète, et ces oasis sont à la base de toute la chaîne alimentaire. 1 500 espèces de poissons et 4 000 mollusques différents y vivent.
Un aperçu des merveilles offertes par la grande barrière de corail, film réalisé par l’Office du Tourisme du Queensland
Une dégradation progressive, une politique déplorable
Depuis des années, la Barrière souffre du réchauffement climatique, de la prolifération d’une étoile de mer dévoreuse de coraux, des rejets massifs de nitrates et pesticides provenant des exploitations agricoles et du développement industriel sur la côte en raison du boom minier.
Selon une étude publiée en octobre 2012 par la revue scientifique américaine Proceedings of the National Academy of Sciences, le récif aurait ainsi perdu plus de la moitié de sa surface coralière depuis 1985.
La Grande barrière de corail toujours plus menacée de disparition, Euronews France, oct 2012
Mais le pire est encore peut-être à venir ! Même si le ministre de l’Environnement du Queensland (Andrew Powell) se défend en relatant « une réduction des rejets de pesticides de 28 % et de nitrate de 16 % sur tout le récif », des projets aberrants de développement énergétiques et miniers sont en cours dans la région. Sujets dont le gouvernement se prévaut bien sûr de discuter.
Après le scandale du projet d’extraction de gaz de schiste près de la Grande Barrière de Corail survenu en 2013, le gouvernement remet une couche en donnant cette fois son feu vert (en décembre dernier) à une importante extension d’un port d’exportation de charbon d’Abbot Point dans le Queensland, aux confins de la mer de Corail. Un projet minier qui entraînera le rejet de 3 millions de m3 de sédiments au cœur de la zone protégée. Les écologistes dénoncent également l’autorisation par le directoire du parc marin de la Grande barrière de corail (GBRMPA) du rejet de déchets de dragage dans les eaux du parc.
Des décisions qui annoncent clairement les nouvelles lignes politiques du pays avec en point de mire les prochaines pistes en cours d’examen : la suppression de la taxe carbone et du fonds d’investissement public chargé de soutenir le développement des énergies renouvelables.
La forêt tempérée de Tasmanie également menacée
Autre site naturel australien menacé selon les protecteurs de la nature, la forêt tempérée qui couvre quelque 20 % de l’île de Tasmanie, soit 1,4 million d’hectares.
Le Premier ministre conservateur, Tony Abbott, a indiqué début mars, devant les représentants de la filière bois, que le pays comptait beaucoup trop de forêts protégées ! Il réclame le retrait de 74 000 hectares de la forêt de Tasmanie du classement patrimoine de l’humanité. Une première de la part d’un pays riche et développé. Un scandale vous dites ?
Cette décision a semé la consternation, car elle intervient après la conclusion d’un accord entre défenseurs de la nature, l’industrie du bois et les syndicats, qui avait mis un terme à trente années d’affrontements sur le sujet.
Une catastrophe naturelle, environnementale et humaine
La disparition de ces sites naturels serait d’abord et avant tout une véritable catastrophe naturelle : la disparition d’un des écosystèmes les plus complexes et les plus divers de la planète. Nous parlons ici de l’extinction de dizaines de milliers d’espèces animales et végétales ! Si les coraux meurent, les petits poissons qu’ils abritent ne survivront pas non plus, puis viendra le tour des plus gros prédateurs qui en étaient aussi dépendants. Adieu Némo, adieu tortues de mers, adieu baleines et requins en tous genres. [vous pouvez lire à ce propos le très bon article de votretourdumonde.com sur le risque d’extinction des requins].
La fin de la barrière de corail, c’est un peu comme si la forêt vierge d’Amérique du Sud disparaissait purement et simplement.
La fin de la barrière de corail, c’est aussi la disparition d’une barrière naturelle qui protège les côtes des fureurs de l’océan : le récif permet en effet de briser et d’atténuer la puissance des déferlantes qui se déclenchent pendant les tempêtes. Sans cette barrière naturelle, on n’ose imaginer ce que pourraient devenir les côtes australiennes lorsque le climat se déchaine ! Mais ne l’aurait-on pas cherché ?
À plus long terme, c’est également la quantité d’oxygène sur terre que nous menaçons ! En tant que réservoir immense de phytoplancton [premier organisme producteur d’O2 et recycleur de CO2 sur terre], la disparition de la barrière pourrait avoir les mêmes conséquences au niveau de l’oxygène mondial que celle de la forêt amazonienne considérée comme le « poumon de la planète ». Car ne l’oublions pas, le « véritable » poumon de la terre, c’est bien l’océan !
Et sans aller si loin, les catastrophes immédiates de la disparition de la Barriere sur des activités comme la pêche ou le tourisme devraient au minimum faire réfléchir le gouvernement (qui semble plus sensible aux questions d’argent qu’aux problèmes environnementaux) et les populations. Nous parlons tout de même de centaines de milliers d’emplois et de milliards de dollars de bénéfices accumulés chaque année !
L’exploitation des forêts de Tasmanie, qui nous rappelle tristement la surexploitation de sa grande sœur amazonienne, aurait elle aussi des impacts dramatiques sur les nombreuses espèces qu’elles abritent, le climat, l’écoulement des eaux ou le bilan CO2 de l’île où l’air fut, un jour, le plus pur du monde. Vica Baylay, porte-parole de la Wilderness Society (société pour la nature d’Australie), résume très bien ce désastre :
Abattre les forêts du patrimoine mondial est aussi irresponsable qu’utiliser le Grand Canyon comme décharge, transformer l’opéra de Sydney en bloc d’appartements ou vendre la Tour Eiffel à la ferraille
Comment puis-je protéger à ma manière ces sites naturels ?
Alors comment, à sa manière, peut-on lutter contre ces désastres ? En tant que voyageurs, nous n’avons bien sûr pas accès au droit de vote, et notre impact politique semble dérisoire. Mais il existe des possibilités, au travers d’actions publiques ou du quotidien, qui permettent au minimum de réduire notre participation à ce triste scénario, au mieux d’inverser la tendance !
Depuis votre ordinateur
Signez et partagez les pétitions « Save the Reef » organisées par Greenpeace, « Getup » d’Action for Australia et « Protect Tasmania’s World Heritage forests » qui réclament l’interdiction des projets qui menacent directement la barrière de corail et la forêt de Tasmanie. (cités plus haut)
Vous pouvez également soutenir financièrement des projets qui vont dans le sens de la sauvegarde de ces sites d’exception. Sans qu’il soit dédié spécifiquement à la sauvegarde de la barrière de corail, le projet « The Ocean Cleanup » qui vise à éliminer les milliards de tonnes de matières plastiques de nos océans mérite par exemple d’être connu et soutenu ! Si vous connaissez d’autres projets intéressants, n’hésitez d’ailleurs pas à partager !
En Australie et au quotidien
Des sites comme « The Nature Conservancy » ou « Reef Teach » vous proposent plusieurs attitudes à adopter qui auront un effet bénéfique direct sur les écosystèmes comme la barrière de corail. Tous ne sont pas applicables à ceux qui voyagent à travers le pays, et notre empreinte carbone est naturellement mauvaise avec les nombreux trajets que nous réalisons pour visite le pays. Mais nous pouvons au moins réduire au maximum cette empreinte, comment ?
- En favorisant au maximum le covoiturage, partagez donc votre grand van !
- En réduisant votre consommation d’eau, et en réutilisant vos récipients : des bidons, une bassine et une gourde vous suffisent pour tout le voyage.
- En évitant au maximum les sachets et emballages plastiques, ou les produits avec beaucoup d’emballages, qui sont d’ailleurs souvent les plus chers !
- En ne jetant pas vos déchets n’importe où.
- En consommant les produits locaux dont l’empreinte est naturellement moins importante.
- En essayant de travailler dans des fermes écoresponsables, ou en tentant de sensibiliser les fermiers pour lesquels vous travaillez. L’utilisation de certains engrais dans les exploitations de canne à sucre du Queensland a par exemple eu un impact désastreux sur les coraux.
- En plantant des arbres, pourquoi pas dans le cadre d’un Wwoofing ou Help’x.
En visitant la barrière de corail
Si vous vous rendez jusqu’à ces fameux sites, n’oubliez pas de les respecter en toute circonstance ! Si vous pratiquez la plongée ou le snorkeling, ne touchez jamais les coraux qui sont des organismes extrêmement fragiles. Si vous avez la chance de naviguer dans ces lieux paradisiaques, le mouillage avec une ancre est aussi à proscrire ! Tentez également de passer par des organismes écocertifiés pour vos excursions.
Et si vous voulez aller encore plus loin, pourquoi ne pas vous engager en tant que volontaires auprès d’associations comme Fight for the reef ou Reef teach !
Dernière recommandation, faites passez le message à votre entourage, informez-vous, et partagez cet article !
Pour se maintenir à jour, l’UNESCO a finalement décidé de reporter sa décision à février 2015 concernant le déclassement ou non de la grande barrière de corail au statut de patrimoine en danger.
La bonne vieille politique du « wait and see » est encore triomphante. Il nous appartient encore plus de faire connaître notre opinion pour que des projets désastreux n’apparaissent pas pendant cette année « test » qui peut être critique pour la grande barrière !
source : http://www.unesco.org/new/fr/media-services/single-view/news/decision_on_status_of_australias_great_barrier_reef_deferred_until_2015/back/9597/#.U6KndBZrYQU